Mini «discographie amoureuse» de la pop britannique, au sens large, depuis les années 1960 et la fameuse British Invasion… À la croisée d’écoute de disques, de concerts, et de souvenirs très personnels.
Curieusement ? S’il est un domaine où le Royaume-Uni a investi la France, c’est celui de la Culture, via la musique dite «pop» au sens large. Je ne saurais dire si cela à voir avec l’entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE (1974), permettant l’ouverture du marché discographique et des concerts. Je note, bien sûr, que, dès les années 1960, les Beatles ont conquis Paris… Que l’influence blues-jazz avait diffusé via les GI venus lutter aux côtés des Français durant les deux conflits mondiaux (surtout le second). Qu’un certain mois de mai 1968 marque un tournant dans les modes de vie, leur internationalisation (au moins en Occident), sur l’air de la «libération» et de la «fête insouciante», leur urbanisation, leur effet générationnel.
Un couple franco-britannique célèbre: Serge Gainsbourg/Jane Birkin. L’album concept Histoire de Melody Nelson (1970) sonne vraiment comme de la pop à l’anglaise. Ce sera pourtant un échec commercial. Plus tard, Gainsbourg parlera de la chanson comme d’un «art mineur». ©D/R.
A l’«auberge espagnole» chez Barclay
Les canons de la british invasion ne s’entendent pas, pour autant, sur la scène musicale française — qui pourrait me faire une liste des groupes français de pop, rock, jazz-rock, ayant eu une audience nationale, voire internationale, dans les années 1960-1980? L’époque y est dominée par la grande trilogie Brel-Brassens-Ferré, dans le sillon de la poésie, d’un certain intellectualisme (contestataire, certes), d’une tradition chansonnière empreinte de répertoire savant et d’un sens du texte remarquable. Seul, Ferré s’aventurera dans le monde pop-rock (époque Zoo), mais sans grand écho. Et si Serge Gainsbourg s’y essaye (avec plus de culture pop: pensons, bien sûr, à Melody Nelson), il n’en continuera pas moins à plaider que «la chanson est un art mineur», allant puiser, longtemps, ses attaques dans la partition classique (Chopin, Brahms).
Le mouvement anglo-saxon se popularise certes via le duo † Halliday-Mitchell, mais sur une tendance très blues-rock, ou se déploie dans une version sage dite «Yé-Yé», très vite passée de mode, cependant. Son côté gentil, soigné, finalement conformiste (ça danse, ça fête, ô bonheur de la consommation), ne m’a guère séduit. Question d’effet générationnel justement. Ce qui est aussi vrai en Grande-Bretagne, comme le montrera la mouvance punk, tout heureuse de casser les codes de ses ainés de seulement quelques années. À chacun son marketing, cependant: ici, il faut que ça sonne comme dans la Capitale, accent inclus (sauf l’inimitable † Nougaro); par contraste avec la scène britannique où des styles essaiment par ville, avec des références et des sons spécifiques.
De telle sorte que la liste des «vedettes» françaises des années 1960-1970 peut s’apprécier un peu comme une «auberge espagnole» à l’enseigne de la maison Barclay… Autrement dit par le mot «variété». Ce n’est que plus tard que j’en découvrirai les éventuelles finesses.
Les années 1980 verront certes, avec l’appui des ministères Lang, la scène française s’ouvrir tous azimuts, autour, entre autres, des labels indépendants et des festivals, dont le Printemps de Bourges. Les manières anglaise, américaine, sont désormais tout public. J’ose néanmoins penser que l’accès à l’international a, alors, surtout concerné une mouvance jazz contemporain très prolifique, virtuose, que les années variétés avaient aussi laissé dans l’ombre, témoins, pour ne citer qu’eux l’incroyable Magma, ou encore les violonistes Didier Lockwood (référence pour la scène française de la chanson et de la pop) ou Jean-Luc Ponty (familier de † Franck Zappa).
La British Invasion libéra l’énergie de la jeunesse et eut ses émules à Quillan. Le groupe Onis, tendance Rock progressif, voit le jour en 1978. De gauche à droite: François/Salch; Jaques/Benz; Mario/Le Bof; Olivier/James; † Claude/Momo. Merci à Jacques/Benz pour cette image.
La révolution musicale… entendue depuis une bourgade de province
Quoiqu’il en soit, s’il y eut quelque chose d’une «révolution», c’est de l’autre côté de la Manche qu’elle eut lieu. Diversité des styles, mises en scènes extravagantes, volumes sonores (attaques en riff), mélodies, expérimentations techniques… Le vent nouveau balaie aussi les allées de la musique populaire de guinguette (musette, chanson). Et, obstination de l’adolescence, il ne ramènera pas, sur nos rives, le trop ciblé «disco» (pour musique de discothèque) et son registre minimal. Vous souvenez-vous, amis, de nos batailles acharnées contre le disc-jokey du coin pour qu’il évince aussi bien un genre que l’autre de sa programmation ? Car, dans cette affaire, je ne suis pas seul, mais en bande adolescente, c’est-à-dire avec une quête d’identité collective conjointe à une rivalité qui se marque dans l’appétence pour un groupe préféré.
Point de regret… Beaucoup de souvenirs de situations, comme c’est souvent le cas pour la mémorisation d’un morceau, d’un album. Et pas de complexe au regard d’un paradoxe: notre intérêt passionné pour la musique pop d’Outre-Manche ne nous empêchait pas de pester contre la culture rugbystique britannique (tricheries, arbitrage, faux fair-play), ni d’affirmer que l’invention de Lord Sandwich ne peut, au fond, se concevoir qu’avec «baguette et camembert» accompagnés de French Wine.
Un parcours d’amateur dans la discographie de la musique populaire britannique
Cette petite chronique n’est pas une histoire de la musique anglaise (comme nous l’appelions). Ce serait malvenu de la part d’un non-musicien, pas non plus professionnel des médias musicaux habilité, ensuite, à éditer un «dictionnaire du rock». Sans parler du point de vue depuis une modeste bourgade du Sud de la France, Quillan, à l’époque aussi prospère et dynamique économiquement que figée dans ses représentations culturelles, où ne planait plus déjà que le souvenir du grand Capitole dans la salle du Familia — tant que j’y pense, le seul endroit de la ville, avec la salle de la Cigale, où une architecture Art Déco, quoique standard, apportait un peu de cachet – et plutôt démunie question accès aux disques et aux scènes de nos artistes bien aimés.
Parlons donc plutôt d’une mini «discographie d’amateur», du récit d’un itinéraire personnel sous l’angle des préférences musicales, d’où sa discontinuité. On y trouvera, en particulier, mention de concerts, tant il eut été impensable, pour mes amis et moi, de ne pas aller voir sur scène des «héros» dont la presse spécialisée nous contait surtout les incroyables frasques, excès. S’il se trouve que son parti-pris m’attire des commentaires, complémentaires ou contradictoires, cela contribuera à l’enrichir. J’ai choisi de l’organiser par date de parution de l’œuvre, en plusieurs séquences équilibrées. Y figurent un certain nombre de «compilations» et «best of», qui signalent plutôt des artistes de moindre importance pour moi, et qui sont évidemment ultérieurs aux albums originaux source. La mention de ces albums permettra de remédier au défaut de classement par date.
Enfin, le texte introduit le pseudo d’un certain nombre de «copains» de ces bandes d’adolescents et jeunes adultes qui partageaient une même passion pour ce répertoire musical. C’est une adresse de remerciements, avec une pensée plus particulière pour ceux qui, aujourd’hui, ne sont plus parmi nous.
In Mémoriam: Aubert/Tsa; Caroline V.; Catherine L.; Claude/L’amanite; Claude/Momo; Jacques/Char; Jeannot; Maria; Pierre S.; Philippe B.; Reneto; Th./Chouze; Yves/Persoul…
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