Les groupes Bijou et Warszawa (Quillan), lors d’un concert organisé pour les Fêtes de Quillan (Aude), dans les années 1980. Merci à Jacques Simon pour cette image.
À partir de la décennie 1980, la musique anglaise change radicalement de ton. La dominante est dans ce qu’on appellera «New Wave», «Cold Wave», caractérisées par des atmosphères plutôt sombres et tendues, soutenues par une instrumentation technique (boîte à rythme, retardateurs et variateurs de son…), parfois paradoxalement avec un néo-romantisme dandy. Autre tendance marquée: l’appropriation de musiques et cultures de source très anciennes (tribales, médiévales) et non occidentales conduisant à la World Music.
Le nouveau son essaime néanmoins plus largement, actualise le pop et le folk songs. Cependant que, s’ils ne disparaissent pas, les courants majeurs de la décennie précédente (Hard-Rock, Progressive Rock voir Jazz Fusion), ne sont plus dominants, tandis que la génération qui les a fait connaître s’efface du devant de la scène, nonobstant des réapparitions marquantes dans de grands shows humanitaires.
Années 1983-1985
Le groupe Stranglers cultive une distance ironique avec la scène dominante de l’époque, même s’il en adopte parfois le son et souvent les techniques. Il s’inspire entre autre des Doors et du Velvet Underground, pour créer une ambiance de fête triste. ©Epic
• Feline (1983)
> The Stranglers
- Réference: Féline; Epic
Juste une captation de titres qu’il nous est arrivé d’écouter: Let’s Tango a Paris (Feline) et son atmosphère de valse débraillée, automnale, portée par la voix vert-gris de Hugh Cornell, avec effectivement une réminiscence Doors (orgue-harmonium, basse), Bowie (orchestration); tandis que The European Female mixe du flamenco avec du Velvet Underground. Dans Allways the Sun (album Dreamtime), on a encore l’impression d’entendre Lou Reed converti au son électronique des années 1980 et à un certain optimisme propre à la variété.
La datation des deux albums, ainsi que les aventures personnelles de plusieurs membres du Groupe (année 1980), suggèrent que les Stranglers sont bien dans l’orbe post-punk et vague froide. Pourtant, et ces deux titres en sont un exemple, la formation a plutôt cherché à expérimenter sur la base de tout ce qui les a précédés, rock progressif inclus, d’où une certaine sophistication multi-instrumentale, comme pour marquer une distance ironique à l’époque.
Hugh Cornwell (chant, guitare); Jean-Jacques Burnel (basse, chant); † Dave Greenfield (claviers); Jet Black (batterie, percussions).
• Source: The Stranglers (https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Stranglers); Feline (https://fr.wikipedia.org/wiki/Feline)
Titres de la playlist: Let’s Tango in Paris; Allways the Sun (Dreamtime)
• The Smiths (1984)
> The Smiths
- Référence: The Smiths; Rough Trade
Un groupe fétiche de la génération adolescente des années 1980... Les Smiths proposent une musique à la fois mélancolique et d’une grande clarté mélodique et instrumentale, actualisant le pop-song. © Rough Trade
Pour le coup, je crois bien que j’ai écouté ce groupe, d’origine mancunienne, pour la première fois, dans une maison de Nébias (Sylvain/Sharp), dans la perspective d’une chronique (ou après ?) de presse sur le quartet local Kino. Il y a quelque chose d’automnal, entre flamboiements (clarté chaleureuse des guitares, mélodies) et crépuscule (voix, posture dandy, textes de Steven Morrissey), qui donne envie de trainasser, dans la proposition de ce groupe, ou plutôt de ce duo (Morissey-Marr) au nom délibérément passe-partout. Ce premier opus, très bien accueilli par la critique (et par les adolescents), pose les bases d’une approche originale de l’après-Punk, intégrant un retour aux basiques du pop-song (mélodie chantée en couplet-refrain) ou encore du rockabilly (attaques guitare-batterie).
On peut prolonger la promenade mélancolique via l’une nombreuses compilations éditées par la suite (comme quoi, c’était un groupe incontournable), où figurent aussi ces titres, alors que le duo s’était désuni dès 1987.
Steven Morrissey (chant); Johnny Marr (guitare, piano, harmonica, claviers); Andy Rourke (basse); Mike Joyce (batterie)
* Source: The Smiths, encyclopédie Britannica,Simon C.W. Reynolds (https://www.britannica.com/topic/the-Smiths)
Titres de la playlist: Real Around the Fountain, Miserable Lies + Unloveable (Louder than Bombs)
Caractéristique de l’orientation du label 4AD, la production de Cocteau Twins se caractérise par un couplage séduisant de la dynamique punk et d’une plastique raffinée , servie par la voix aérienne de la chanteuse Elizabeth Frazer. © 4AD
• Treasure (1984)
> Cocteau Twins
- Référence: Treasure; 4AD
N’est-ce pas curieux, pour une formation musicale écossaise de se prénommer «Jumeaux Cocteau» ? C’est une raison qui m’a poussé à tenter l’expérience, outre un titre séduisant et des titres de figures de la mythologie) et une pochette de très belle facture visuelle. Quoique caractéristique des manières de faire des artistes de la vague froide (climax sombre et en suspens, sonorités très métalliques, perfectionnisme technique) l’album peut être perçu comme un brillant collier de perles, aux couleurs élégiaques, serti par la voix unique d’Elisabeth Frazer dont l’exigence plastique va jusqu’à énoncer le texte pour sa seule musicalité (glossolalie, insensible au sens des mots). La compilation Lullabies to Violaine (2006) rappelle l’influence de Joy Division ou encore de Siouxsie (plus de raideur sonore) sur les premiers opus.
Elizabeth Frazer (vocaux); Robin Guthririe (guitare, basse, clavier); Simon Raymonde (guitare, basse, claviers)
* Source: Cocteau Twins, biographies (https://cocteautwins.com); Cocteau Twins (https://fr.wikipedia.org/wiki/Cocteau_Twins); Tresaure (https://fr.wikipedia.org/wiki/Treasure_(album_des_Cocteau_Twins)
Titres de la playlist: Pandora, Donimo + Iceblink Luck (Lullabyies to Violaine)
• Power, Corruption & Lies (1984)
> New Order
— Référence: Power, Corruption & Lies; Factory Records
Continuation de Joy Division (suite au suicide du chanteur Ian Curtis), New Order en hérite le goût pour les ambiances amères et une certaine apreté, mais s’oriente progressivement vers une musique plus dansante, plus électronique aussi. © Factory Records
Ce n’est pas tout à fait par mes amis de Kino, qui s’en inspirent pourtant, que je me suis branché sur New Order, mais dans une maison discrète et accueillante de la Grand-Rue Vaysse-Barthélémy (qui se souvient qu’en rez-de-chaussée, longtemps, existait la seule librairie que j’ai connue dans le bourg? le savais-tu, ami Marc/le Grand?). Dans la pile des «vinyles» maison, je trouve, curieusement, cette pochette qui expose une reproduction d’une nature morte avec fleurs (original du peintre français Fantin-Latour,1836-1904), titrée «Pouvoir, Corruption et Mensonges», mais sans référence de nom de groupe.
À l’écoute, se dégage une impression paradoxale de musique très dansante à tonalité sombre, d’une mécanique (effet d’une exposition répétitive des instruments, dépouillée) seulement humanisée par la voix amère, empreinte de lassitude, de Bernard Summer. Quoique post-punk, le propos se débarrasse de ses inflexions chaotiques pour une ligne simple et claire, tracée par l’appareillage électronique. Avec la compilation Substance (1987), le groupe renvoie doublement à ses origines: reprise du titre d’une compilation et de titres signés originellement Joy Division (Ceremony, In a Lonely Place). Ici, pas de reprise de titres du précédent LP, mais la marque de fabrique de NO est affirmée.
Bernard Sumner (chant, guitare, synthétiseur); Gillian Gilbert (guitare, synthétiseur); Peter Hook (basse, percussions électroniques); Stephen Morris (batterie, synthétiseur)
* Source: Joy Division/New Order: Encyclopaedia Britannica-Jon Savage (https://www.britannica.com/topic/Factory-Records-Manchesters-24-Hour-Party-People-1688352); New Order (https://fr.wikipedia.org/wiki/New_Order); Power, Corruption & Lies (https://en.wikipedia.org/wiki/Power,_Corruption_%26_Lies)
> Titres de la playlist: Age of Consent, Leave me Alone + 1963 (Substance)
Avec cet album, qui lui assure un succès majeur, le groupe irlando-anglais U2, prend une orientation moins épique, plus intime et poétique. © Island records
• The Unforgettable Fire (1984)
> U2
- Réference: The Unforgettable Fire; Island Records
Quelque chose m’empêche, comme c’est le cas par exemple pour le Ulysse de James Joyce en littérature, ou encore, en musique, de Police et Eurythmics (absents de cette discographie) et, dans la sphère classique, de nombre de compositeurs (fussent-ils réputé), dans le récit proposé par certains musiciens. U2 est de ceux-là. Je pressens ici quelque chose de pompeux derrière l’épique, d’un souffle qui s’épuise vite, d’un surjoué dans la voix du chanteur Bono (Paul Hewson), qui tendent à me lasser. Cela même si je suis sensible à l’émergence d’un groupe des Provinces (irlando-anglais en fait), à ses engagements pour l’Irlande-du-Nord et plus largement pour l’égalité entre les hommes, à un sens mélodique et une ampleur sonore qui le classent très rapidement hors de la ligne pauvre du Punk. Ralliée par des millions de fans, la formation, également composée de David Evans/The Edge, Adam Clayton et Larry Mullen, a vendu plus de 200 millions d’albums à ce jour.
Les fameux Bloody Sunday et New Year’s Day, premiers hits du groupe, se déploient comme des étendards, portés par une très forte dynamique pop-rock (batterie, guitare). Changement de cap avec le plus intime et élégiaque, paysager,«feu inoubliable», où les instruments se font plus souples, plus à l’écoute, plus en phase avec le timbre et la façon de Bono. Je ne m’étonne pas d’apprendre, à rebours, que la facture musicale doive beaucoup au duo Eno/Lanois, même si je retiens pas le titre le plus connu «Pride in a Name of Love», façon U2 classique. Je choisis plutôt le titre éponyme de l’album, ou encore A Sort of Homecoming, peut-être parce que je me suis laissé influencer par le château oublié, voilé par le lierre, figurant sur la pochette.
Bono (chant, chœurs, guitare additionnelle); The Edge (guitare, claviers, chœurs); Adam Clayton (basse); Larry Mullen Jr. (batterie) + Brian Eno et Daniel Lanois (voix, instruments, traitements), Chrissie Hynde (chœurs), Peter Gabriel (chant)
* Source: U2, Encyclopédie Britannica, Greg Kot (https://www.britannica.com/topic/U2https://www.britannica.com/topic/U2); Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/U2); The Unforgettable Fire (https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Unforgettable_Fire_(album)
Titres de la playlist: A Sort of Homecoming, The Unforgettable Fire