La salle de concerts la plus célèbre d’Angleterre, voire du Monde, le Hammersmith Odeon de Londres, construite dans les années 1930 dans le style Art déco, et devenue à partir des années soixante un haut lieu de la production pop.© D.R
Années 1980-1982
• The Plateaux of Mirrors/Ambient 2 (1980)
> Brian Eno
- Réference: The Plateaux of Mirrors; E.G.
Un disque caractéristique de l’orientation de Brian Eno vers la musique électronique et minimaliste. © E.G.
Si ma mémoire ne me trahit pas, la première fois que j’ai entendu parler de ce disque, c’était du côté de Montségur (Ariège), lors d’une petite virée philosophique avec deux amis (t’en souvient-il, Bruno? Je crois que le troisième se prénommait Olivier). Il est vrai que «l’ambiance» suggère une méditation très Nouvel Age, d’un froid lumineux comme il en est dans les paysages d’hiver. Il est signé Brian Peter George St. John le Baptiste de la Salle Eno, plus connu sous le diminutif de Brian Eno et reconnu comme le créateur d’un genre spécifique (Ambient), censé influencer l’humeur par le son, puis, par ses expérimentations techniques et son activité de production, comme un influenceur majeur des générations qui s’affirment côté musique (Talking Heads aux États-Unis, U2 en Irlande, pour ne citer qu’eux) et bientôt dans le jeu vidéo.
Après un passage par Roxy Music, BE s’abouche assez naturellement avec Robert Fripp, marque de son empreinte la trilogie berlinoise de David Bowie (pensons, en particulier, au morceau Warszawa), puis développe son concept avec Harold Budd. J’ose penser que la musique électronique allemande des années 1970 (Kraftwerk, Tangerine Dream, Klaus Schulze), aussi bien que les minimalistes classiques (Philipp Glass, Steve Reich, Terry Riley), n’ont pas été sans résonance pour lui. Il n’y a pas si longtemps, Arte diffusait un concert à l’Acropole d’Athènes, dans la même veine contemplative (retravaillant aussi les compositions style Roxy Music), démontrant que les Eno sont une famille musicale (Brian Eno, Roger Eno, Cecily Eno).
Brian Eno (divers instruments); Harold Budd (piano) + Bob Lanois, Daniel Lanois, Eugene Bowen, Roddy Hui
* Source: Brian Eno, Encyclopédie Britannica (https://www.britannica.com/biography/Brian-Eno); Plateaux of Mirrors, wikipedia (https://en.wikipedia.org/wiki/Ambient_2:_The_Plateaux_of_Mirror)
Titres de la playlist: First Light, Falling Light
Le premier album à succès de Peter Gabriel, ex leader du groupe Genesis, dont il se démarque par une atmosphère plus rock, plus dure. Le compositeur et chanteur y affirme ses convictions humanitaires. ©Mercury Records
• Peter Gabriel III (1980)
> Peter Gabriel
- Réference: Peter Gabriel III ; Mercury Records
Je crois que c’était en 1980, à la Halle aux Grains de Toulouse (en compagnie des amis Christian/Gary et Eric/Le Gouze)… Curiosité de savoir comment a évolué le charismatique chanteur de Genesis qui, depuis 1975, a entamé une carrière en solo. Nous sommes dans la salle… La lumière s’éteint… Dans le dos du public, des personnages habillés comme des mécanos, surgissent pour aller prendre place sur la scène. Ambiance stricte, sur fond de noir et blanc et de scandés de percussion-basse-voix. Si l’on est dans la continuité de Lamb lies down on Broadway, la rupture avec les tracés évanescents de Genesis est claire. Le tube Solsbury Hill (album Peter Gabriel I) apporte néanmoins une coloration plus gaie.
Avec des titres comme Games Without Frontiers et Biko (en hommage à un jeune noir assassiné en Afrique-du-Sud encore sous régime d’Apartheid), Peter Gabriel affirme un engagement humaniste en même temps qu’il dessine les contours de la World Music (vocaux tribaux en arrière-plan), dont il deviendra un producteur emblématique. C’est son premier opus à avoir obtenu un réel succès commercial.
Peter Gabriel (chant, piano, synthétiseur, batterie, percussions); Robert Fripp, Dave Gregory, Paul Weller, David Rhodes (guitare); John Giblin (basse); Larry Fast (synthétiseur); Jerry Marotta, Philipp Collins (batterie); † Morris Pert (percussions); † Dick Morrissey (saxophone); Kate Bush (chant); Steve Lillywhite, Hugh Padgham, Dave Ferguson (effets sonores)
* Source: Peter Gabriel (https://fr.wikipedia.org/wiki/Peter_Gabriel); Peter Gabriel III (https://fr.wikipedia.org/wiki/Peter_Gabriel_(album_de_1980)
Titres de la playlist: Intruder, Biko + Solsbury Hill (Peter Gabriel I)
• No Sleep ‘til Hammersmith (1981)
> Motorhead
- Référence: No Sleep 'til Hammersmith; Bronze Records
Motorhead: une certaine sincérité, une fidélité au vieux mot d’ordre «Sex&Drug&Rock’n Roll»), sans plus d’envie de se prendre au sérieux, le tout délivré dans un bombardement sonore. © Bronze Records
D’aucuns s’étonneront peut-être de trouver ce disque sur les étagères de ma mini-discothèque et n’auront pas tort de songer que je n’ai du l’écouter qu’une fois ou deux. À force d’entendre parler une partie de mes amis de groupes de Heavy Metal du moment, musique que je n’ai jamais vraiment goûtée, j’ai quand même eu envie de savoir qui pouvait jouer le plus «loud» (fort) et le plus vite («fast»), sans trop souci de ce qui pouvait être une composition, une mélodie, un texte. Juste pour le fun en somme.
S’il y a, quelque part une raison de penser, que, selon l’expression de l’historien de la musique Alex Ross, «the rest is Noise»1, tout ce qui n’est pas musique classique (au sens large) du XXe siècle n’est que bruit, le trio londonien nous y incite. On peut imaginer des «Anges de l’enfer» débarqués directement sur scène depuis leur bombardier, galvanisés par les amphétamines (d’où le nom du groupe), pour exposer le muscle vocal et instrumental du rockn’roll. Et il est clair qu’on ne dut pas dormir devant la scène du Maysfield Leisure Centre de Belfast (et non de la salle culte londonienne du Hammersmith Odeon), au point même d’oublier l’agitation Punk (incontestablement dépassée question volume sonore).
Je me dis qu’il y a, dans cette attitude, une certaine sincérité, une fidélité au vieux mot d’ordre «Sex&Drug&Rock’n Roll»), sans plus d’envie de se prendre au sérieux. C’est ce qu’illustre aussi, par son côté hommage, l’album Under Cover (2017), édité après le décès de l’emblématique leader (bassiste, chanteur) du trio † Ian Fraser Kilmister, dit «Lemmy». Il se compose de reprises enregistrées entre 1992 et 2015, dont entre autres: Heroes (David Bowie); Jumping Jack Flash et Sympathie for the Devil (Rolling Stones); God Save the Queen (Sex Pistols).
† Lemmy Kilmister (chant, basse); «Fast» Eddie Clarke (guitares); «Philthy Animal» Taylor (batterie, percussions)
* Source: Motorhead (https://fr.wikipedia.org/wiki/Mot%C3%B6rhead); No Sleep till Hammersmith (https://fr.wikipedia.org/wiki/No_Sleep_%27til_Hammersmith); Under Cover (https://fr.wikipedia.org/wiki/Under_C%C3%B6ver)
Titres de la playlist: Capricorn, Sympathy for the Devil (Under Cover)
Une pochette au visuel d’une simplicité radicale. King Crimson est toujours un peu au-delà de son temps, avec quelque chose d’inclassable, alliage de rigueur, d’expérimentation, de haute technique instrumentale. ©E.G
• Beat (1982)
> King Crimson
— Référence: Beat; E.G.
On s’étonnera peut-être que je n’ai pas plutôt choisi le plus connu In the Court of the Crimson King (1969) à la croisée du rock psychédélique de la musique classique, du jazz et du folk, plutôt un coup de maître pour un premier album, avec des titres que j’aime encore écouter – I talk to the Wind, In the Court of the Crimson King – même si je trouve le propos daté aujourd’hui.
Si un groupe a vraiment été à géométrie plus que variable, c’est bien celui-ci, au fil d’expérimentations pas toujours réussies, quoique portées par des musiciens d’exception, britanniques ou américains: † Greg Lake (guitare), Robert Fripp (guitare), † John Wetton (basse), Bill Bruford (batterie), Adrian Belew (guitare, claviers, batterie électronique). King Crimson est un peu toujours au-delà de son «temps», comme des catégories musicales.
Beat, c’est la continuation de ITCCK, dans sa dynamique de dissonances, de sons trafiqués, d’apreté, mais libérée de phrasés classiques trop longs… La notion de «beat» fait référence à un mythe socio-littéraire (beat génération: Jack Kerouac, Neal Cassady) mais elle fait, surtout, palpiter la musique. L’album sort en 1981, c’est-à-dire en période post-Punk, auquel il ne cède en rien côté raideur – malgré quelques incursions mélodiques plus douces côté musique orientale – mais surclasse en rythme syncopé, sans parler de la maîtrise instrumentale.
Robert Fripp (guitare, orgue, frippertronics); Adrian Belew (guitare, chant); Tony Levin (basse, stick, chœurs); Bill Bruford (batterie et percussions acoustiques et électriques)
* Source: King Crimson, wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/King_Crimson); Beat (https://fr.wikipedia.org/wiki/Beat_(album)
Titres de la playlist: Heart Beat, Neel and Jack and Me, + The Court of the Crimson King (ITCCK)
• Avalon (1982)
> Roxy Music
— Référence: Avalon; Polydor, E.G. Records
Un disque curieux, dont on ne sait si il est romantique ou ironique… mais sûrement commercial. Il est en tout cas d’une grande qualité sonore, tandis que la voix de crooner de Bryan Ferry est à sa pleine expression. © Polydor, E.G. Records
A vrai dire, que ce disque figure dans ma sélection pourra paraître paradoxal si je dis qu’il m’amuse (comme si j’y percevais une distance ironique au romantisme) et que je n’ai pas vraiment d’appétence pour le style tarabiscoté, confus, de Roxy Music. Ce serait, du reste, le premier album de la formation à avoir connu un vrai succès public (dont 400000 ventes certifiées en France). Je l’ai découvert à une période où le moral n’était pas au beau fixe, témoin mon écoute en parallèle des «Suites pour violoncelle» de Jean-Sébastien Bach (oui, je défends la version de Janos Starker). Inversement, j’apprécie la clarté sonore qui l’anime.
Tout s’organise ici autour de l’ambition de «crooner» (justifiée par une voix très sure, très conversationnelle) et de la posture très brumellienne de Bryan Ferry (rival malheureux d’un certain David Bowie, avec lequel il partageait une même passion pour le Pop’Art), ainsi que d’une adhésion plus prosaïque aux nouveaux standards de l’ère post-punk pour qui ne l’est pas. On peut néanmoins s’intéresser à la réinterprétation fine de titres de titres de Bob Dylan (notamment: The Times they are Changing, Knockin’ on Heaven’s Door, All along the Watchtower) que Ferry habille juste et avec élégance dans Dylanesque (2007).
Bryan Ferry (chant, claviers, guitare synthétiseur); Andy Mackay (saxophone); Phil Manzanera (guitare)
* Source: Roxy Music (https://fr.wikipedia.org/wiki/Roxy_Music); Avalon (https://fr.wikipedia.org/wiki/Avalon_(album)
Titres de la playlist: Avalon, More than This + The Times they are Changing (Dylanesque)
Simple Minds illustre l’arrivée sur la scène des années 1980 des groupes des «provinces». La musique du groupe oscille entre la Cold Wave, le Disco, le pop song épique© Virgin
• New Gold Dream (1982)
> Simple Minds
— Référence: New Gold Dream; Virgin
Songeant à Simple Minds, je peux me remémorer un petit immeuble toulousain ancien, à deux pas du Capitole et de la basilique Saint-Sernin, dont j’occupais le rez-de-chaussée avec l’ami Philippe/Le Mage, tandis qu’à l’étage, résidait l’ami Bruno. C’était au début des années 1980. Les deux jouaient alors dans le quartet Warszawa, dont la musique a des accents proches de la nouvelle vague british années 1980 (moins certes, que l’autre quatuor qui commence à poindre, Kino).
Et c’est chez Bruno qu’il nous arrivait souvent d’écouter New Gold Dream, dont Jim Kerr (le chanteur) et ses acolytes considèrent qu’il fut l’album clé de leur carrière. Celle-ci avait débuté quelques années auparavant, à Edimbourg, dans la mouvance punk, mais très vite matinée de réminiscences Art-Rock (David Bowie, Roxy Music — faites le parallèle entre les voix de Jimm Ker et Bryan Ferry), Disco (Donna Summer), et de techno allemande (Neu, Kraftwerk), et anglaise (Steve Hillage). Nous sommes ici au cœur de ce qui s’appellera la «vague froide», avec ses ambiances très aériennes et froides (Somebody Up There Likes You), mais qui alternent avec des séquences très dansantes pas si loin du Disco (New Gold Dream, Promised Your a Miracle), et des phrases que je qualifierai d’épiques et chaudes (refrains enlevés, quelque chose comme une affirmation d’identité et de générosité) que l’on verra ensuite s’affirmer dans des titres comme Don't You Forget About Me et surtout Alive and Kicking (Once Upon A Time), à l’instar des irlandais de U2.
Jim Kerr (chant); Charlie Burchill (guitares); Michael MacNeil (claviers, piano, accordéon); Derek Forbes (basse) + Herbie Hancock; Mel Gaynor, Kenny Hyslop, Mike Ogletree; Sharon Campbell
Source: Simple Minds, l’histoire (https://www.simpleminds.com/history-simple-minds/); New Gold Dream (https://fr.wikipedia.org/wiki/New_Gold_Dream_(81,82,83,84)
Titres de la playlist: Someone, Somewhere (in Summertime); Somebody Up There Likes You + (Once Upon A Time)