À la fin des années 1970-1980, la France peut accéder largement aux prestations scéniques de la scène anglaise, notamment dans le cadre d’arènes et théâtres antiques du Sud de la France (Cap d’Agde, Béziers, Orange, Fréjus). Pour notre petite colonie, c’était l’objet de migrations en plus ou moins vaste essaim…
Années 1989-1991
Passionné par d’autres horizons (ceux du répertoire classique au sens large), ma mini-discographie, à partir de la fin des années 1980 s’étiole. Je perçois, néanmoins, qu’un nouvel horizon s’ouvre, qui correspond peut-être à une fin de «ma» British Invasion, avec la prédominance d’une tendance Rap et de la variété féminine épicée aux sources plus américaines, qui ne m’intéressent absolument pas, non plus que les gesticulations du nouveau gourou DJ (continuation, certes, d’un mouvement porté par la technique).
Peut-être, est-ce oublier le nouveau fourmillement du marché, corrélatif au développement du numérique, en ce qu’il individualise/communautarise encore plus les expériences? 1Une génération ne chasse pas tout à fait l’autre; les héritages se recyclent, une nouvelle fois… Et des artistes au nom «ancien» continuent à mettre en musique et chanson «malgré tout» ce qu’ils aiment, à nourrir le mythe de la scène inauguré quelque 30 ans plus tôt dans le festival géant – c’est ce qu’on appelle encore une tête d’affiche.
L’univers intimiste de Vini Reilly n’est pas sans évoquer celui de Mike Olfield, mais dans la tonalité plus sombre de la pop post années 1980. © Factory Records
• Vini Reilly (1989)
> The Durutti Column-Vini Reilly
— Référence: Vini Reilly; Factory Records
Encore une expérimentation. Le nom du groupe originel Durutti Column par référence au célèbre anarchiste castillan Buenaventura Durruti (1896-1936), tué durant la Guerre d’Espagne dans des circonstances mal élucidées (coup de main stalinien ?), n’y est sans doute pas pour rien. Le disque comprend d’ailleurs un Hommage to Calanoea inspiré par le flamenco.
Mais loin d’une posture étendard, le registre est plutôt très intimiste, minimaliste, non sans sans faire penser à Mike Olfield (concept, personnalité, instrumentation), aux expérimentations à la Brian Eno (Ambient), voire aux répétitifs des plus classiques Philipp Glass ou Terry Riley. L’artiste inaugure la signature Factory Records (musique, design) emblématique de la production des années 1980 autour de la scène de Manchester.
Vini Reilly (guitare); Bruce Mitchell (batterie)…
* Source: The Durutti Column (https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Durutti_Column)/ http://thedurutticolumn.com/biography.php ; Vini Reilly (https://fr.wikipedia.org/wiki/Vini_Reilly);
Titres de la playlist: Love no More, Opera
• The Seeds of Love (1989)
> Tears for Fears
- Réference: The Seeds of Love; Fontana, Mercury Records
Une pochette très colorée qui n’est pas sans rappeler l’esprit Beatles, pour un disque où Tears for Fears élargit sa palette au-delà de la mouvance esthétique et technique années 1980. © Mercury Records
À l’écoute de ce disque, j’ai eu quelque chose comme une réminiscence, pour sa plastique sonore, du Dark Side of the Moon des Pink Floyd, toute esthétique musicale mise à part, puisque, par exemple, le titre éponyme et la pochette de l’album m’évoquent plutôt le Sergent Pepper’s des Beatles. Autour de ses titres emblématiques Woman in Chain et Sowing the Seeds of Love, l’album a conforté l’audience internationale de la formation, assuré sa place de référence dans la production pop de la décennie, qu’annonçaient déjà les tubes Shout, Everybody Wants to Rule the World (sur l’album Songs from the Big Chair, 1985).
L’atmosphère de TSOL est toujours empreinte d’un certaine expression de malaise caractéristique du groupe (théorie du cri primal), doublé d’une empathie pour les causes humanitaires, que l’on éprouve notamment dans les complaintes vocales et chorales (et, à un autre niveau, dans la chanson étendard EWTRTW), les soudaines montées épiques au ton très rock (Sword and Knives). Le registre musical s’élargit au jazz, au gospel, au blues (finement exposés par Oletta Adams) qui apportent une coloration chaude, apaisante. Notons, pour la petite histoire, que le français Manu Katché et de Genesis Phil Collins apportent leur science propre de la batterie.
Roland Orzabal (chant, guitare, claviers); Curt Smith (basse, chant; Ian Stanley (claviers, orgue Hammond) + Oleta Adams (chant, claviers), Phil Collins, Manu Katché, Simon Philipps (batterie)…
* Source: Tears for Fears (https://fr.wikipedia.org/wiki/Tears_for_Fears); The Seeds of Love (https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Seeds_of_Love)
Titres de la playlist: Woman in Chain, Sowing the Seeds of Love + Everybody Wants to Rule the World (Songs from a Big Chair)
L’inspiration de la musique ancienne imprègne fortement l’univers sonore de Dead Can Dance, d’une très haute qualité plastique et vocale, à la limite parfois de la méditation mystique © 4AD
• Aion (1990)
> Dead Can Dance
- Référence: Aion; 4AD
Je crois que la reproduction d’une œuvre célèbre et magnifique de Jérôme Bosch (1450-1516) intitulée le «Jardin des délices», en résonance avec le titre curieux du groupe, explique mon intérêt soudain pour ce disque. L’écoute en a été une bonne surprise, particulièrement les morceaux que je suggère dans ma playlist. Ici, c’est l’univers très particulier du label 4AD, autre référence de la production des années 1980 avec Factory Records, qui se dévoile: musique très plastique; incrustation de références classiques (ancien, baroque), traditionnels, pop-rock, post-punk dans une trame électronique; retour à des ambiances planantes, plus proches de la mystique (New Age ?) que ne l’étaient celles expérimentées par la génération du rock-progressif.
Les deux architectes du concept sont le compositeur et multi instrumentiste britannique Brendan Perry et la compositrice et chanteuse australienne Lisa Gerrard, à la belle voix de contralto et notamment inspirée par les «mélopées» anciennes. L’album Toward the Within que j’ai souvent écouté chez l’ami Thierry, dénote aussi l’intérêt de Brendan Perry pour la ballade folk joliment ciselée.
Brendan Perry (guitare, percussions, chant); Lisa Gerrard (chant)
* Source: Dead Can Dance (https://fr.wikipedia.org/wiki/Dead_Can_Dance); Aion (https://fr.wikipedia.org/wiki/Aion_(Dead_Can_Dance).
> Titres de la playlist: Fortune présents Gifts not according to the Book; Song of the Sybil + Don’t Fade Away (Dean Can Dance Live)
Un album à l’esprit plutôt lyrique et généreux, printanier, signé Prefab Sprout. © CBS
• Jordan the Comeback (1990)
> Prefab Sprout
- Réference: Jordan the Comeback ; Kitchenware CBS
J’aurai attendu cet album, oublieux que j’en avais peut-être entendu des échos quelque part du côté de la rue de la Colombette (n’est-de pas Hervé?), quelques années plus tôt, pour me laisser séduire par ce quatuor originaire de Durham. Peut-être est-ce du fait de ce nom curieux (Germe préfabriqué), plutôt mal-sonnant? Pourtant cet album, d’une très grande qualité sonore, donne une idée de la clarté instrumentale et vocale qui soustend un propos plutôt lyrique et généreux, printanier.
Les titres Jordan the Comeback (référence à Elvis Presley) Jesse James et Jesse James Bolero, font écho à une certaine sympathie pour l’Amérique, à ses héros, sa jeunesse, déjà perceptible dans les titres des albums From Langley Park To Memphis (1989) et Steve Mac Queen (1985), plus méconnus mais à la texture tout aussi chatoyante.
Paddy McAloon (guitare, basse, chant); Martin McAloon (basse); Wendy Smith (chant, guitare, claviers); Neil Conti (batterie, percussion)
* Source: Prefab Sprout, livret de la compilation double The Best Of Prefab Sprout (https://en.wikipedia.org/wiki/Prefab_Sprout); Jordan the Comeback (https://en.wikipedia.org/wiki/Jordan:_The_Comeback)
> Titres de la playlist: Looking For Atlantis, Jesse Jame Bolero + Bony (Steve Mc Queen)
• Live at the Royal Albert Hall Festival (1990)
> John Mc Laughlin
- Référence: Live at the Royal Albert Hall Festival; JMT
Mieux qu’un Guitar Heroe, John Mc Laughlin est un Monument de la pratique de la guitare dans un ivers jazz, jazz-rock influencé par la musique et la mystique d’origine indienne. © JMT
On s’étonnera peut-être de trouver cette référence, à cette date, dans cette playlist. Il n’est pas possible, non plus de l’intégrer à la liste de titres proposée par Spotify, d’où un choix sur un album plus ancien, mais dans la même veine. Le fait est que j’ai retrouvé le goût d’écouter le célébrissime guitariste, dont l’aventure a pourtant commencé à la fin des années 1960 sous la coupe du jazzmen et trompettiste américain Miles Davis (1926-1991), sur le tard.
Je me souviens que, lorsque nous le découvrîmes, à la fin des années 1970, il ne faisait pas de doute pour mes amis guitaristes qu’ils approchaient, mieux qu’un Guitar Heroe, un Monument (souvenir, entre autres, d’une après-midi dans la maison du regretté † P. Sanyas, où certains s’exerçaient à essayer de suivre les gammes affolantes du maestro). Au début des années 1980, nous avions eu l’occasion de le voir en concert, aux Arènes du Cap d’Agde, pour la fameuse tournée du trio De Lucia/Di Meola/McLaughlin, gravée sur l’album Friday Night in San Francisco. Mais j’avais justement re-éprouvé ce qui m’a toujours un peu gêné chez lui: une virtuosité surexposée, au point de saturer tout l’espace d’écoute, de faire exploser toute continuité mélodique – ici, par contraste, avec la fraicheur bienheureuse du flamenquiste espagnol – et de se confiner dans l’ennui.
Cette virtuosité très free-jazz, confinant parfois à la sonorité boursoufflée, outrageusement métallique, surprenait d’autant que comme le nom du groupe qui le fit accéder à la renommer internationale, Mahavishnu Orchestra, l’indique, le bonhomme fut, plus que tout autre artiste de la scène pop-rock-jazz de l’époque, un adepte fidèle de la mystique indienne [ce fut une grande mode, alors, mais qu’en reste-t-il aujourd’hui?]. Les douces et sinueuses, contemplatives, influences d’Orient viennent régulièrement affleurer (dans un départ mélodique, un chorus vocal)… Mais c’est, pour très vite, être submergées de vagues violentes de notes, déferlant à un rythme insaisissable.
C’est à en faire oublier que JMcL allait occuper une place majeure au sein d’une mouvance musicale (jazz, jazz-rock jazz-fusion) que l’on ne pouvait imaginer qu’américaine. Mais aussi que, libéré de Mahavishnu, il avait pu opter, non seulement pour des expériences inédites, qui cependant ne me convainquent pas, associant guitare jazz et instruments traditionnels indiens (Ravi Shankar, Shakti), mais aussi pour des accents jazz, acoustiques, d’autant plus brillants techniquement qu’ils expriment aussi un doigté mélodique.
L’album My Goal’s Beyond, dont j’ai choisi des titres pour les besoins de la playlist musicale (faute d’avoir accès à LATRAHF), date de 1971 et signe cette approche. Le concert au Royal Albert Hall restitue les deux horizons de l’artiste: explorer au maximum les possibilités de la guitare (acoustique, électrique) et, comme il se doit dans la tradition du jazz band, faire valoir la haute maîtrise instrumentale et de la complexité rythmique par l’improvisation de tous les participants; faire partager ce qu’il peut y avoir d’intime, nuancé, apaisant, d’invitation au récit, au voyage, à l’introspection, dans une certaine manière jazzistique.
John McLaughlin (acoustic guitar, Photon Midi interface); Trilok Gurtu (percussion); Kai Eckhardt (electric bass)
* Source: John McLaughlin, Musical Life (https://www.johnmclaughlin.com/musical-life/); John McLaughlin (https://en.wikipedia.org/wiki/John_McLaughlin_(musician)); Live at the Royal Albert Hall Festival (https://en.wikipedia.org/wiki/Live_at_the_Royal_Festival_Hall_(John_McLaughlin_Trio_album)
> Titres de la playlist: Peace One, Goodbye Pork Pie Hat (My Goal’s Beyond)
Un intéressant mix de registres Soul, New Wave, Hip-Hop, d’où émergent de belles mélodies portées par des voix féminines. ©Virgin
• Collected (1991/2006)
> Massive Attack
- Réference: Collected; Virgin
Au milieu des années 1990, écoute furtive du titre éponyme de l’album Protection, distribué en France par Delabel, chez qui j’avais quelque connaissance. Je ré-entends, quelques années plus tard, chez des amies (salut Mumu, salut Edith), cette complainte où l’héritage en nuances et douceur de la Soul se mixe heureusement avec ceux de la New Wave (atmosphère sombre, rythmique hypnotique, prégnance de l’électronique, guitares saturées), du Hip-Hop (chanté répétitif, scandé, chamanique?).
J’en viens, plus tard, à la compilation regroupant des titres des des premiers albums (Blue Lines, Protection, Mezzanine) du groupe originaire de Bristol. Je me laisse bercer par les voix féminines qui enveloppent de douceur et mélancolie les titres Protection et Angel (Tracey Thorn), What Your Soul Sings (Sinead O’Connor), Teardrop (résonance très Cocteau Twins, Dead Can Dance, avec Elizabeth Frazer au chant), Unfinished Sympathy (Shara Nelson), Sly (Nicolette Love Suwoton).
Robert Del Naja (chant, claviers, électronique), Adrian Thaws (chant), Grant Marshall (chant, électronique) et Andrew Vowles (clavier, électronique) + Shara Nelson, Sinéad O’Connor, Tracey Thorn, Elizabeth Frazer, Nicolette Love Suwoton (chant)…
* Source: Massive Attack (https://fr.wikipedia.org/wiki/Massive_Attack); Collected (https://fr.wikipedia.org/wiki/Collected)
> Titres de la playlist: Protection, Sly
Voir à cet égard, les publications sur l’industrie musicale et les TIC de mon ami Philippe Astor…